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« Le header bidding ‘à dose raisonnable’ est un bon compromis », M. Ferreira, Quantum (Interview)

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En France, en cette fin d’année, on se met à parler du header bidding. L’idée paraît géniale : au lieu de monétiser son inventaire en cascade, l’éditeur l’offre à toutes les plateformes programmatiques auxquelles il est connecté, afin de voir ce qu’elles sont prêtes à lui payer et d’ensuite comparer avec ce qu’il obtient du direct.

Ceci est possible grâce à un code « script » placé sur chaque page, qui permet à l’éditeur « d’appeler » ces plateformes dès qu’une impression se matérialise. En gros, avec cette nouvelle vague autour de la notion de header bidding on quitte la notion traditionnelle du yield holistique de mise en concurrence entre l’inventaire négocié en direct et en programmatique pour valoriser celle de mise en concurrence des ad exchanges entre elles.

Mickael Ferreira_2Mickael Ferreira, co-fondateur de la plateforme technologique de publicité native Quantum Advertising, connaît bien le sujet, puisqu’il a été head de programmatique et de performance à HiMedia pendant trois ans. Donnant suite à une petite série d’interviews consacrées à ce sujet, nous l’interrogeons.

Pensez-vous que ce système est si révolutionnaire que certains acteurs de l’industrie et médias semblent croire ?

L’approche n’est pas totalement nouvelle, mais il faut reconnaître que la façon dont cette technologie est utilisée en ce moment est novatrice et que son adoption augmente auprès des éditeurs. Il faut simplement envisager le header bidding comme une composante de toute la vague programmatique débutée il y a six ou sept ans. Il faut se rappeler que le concept du RTB est bien celui de valoriser chaque impression à son meilleur prix dans une logique d’enchères en mettant en concurrence tous les flux de campagnes, qu’ils soient en direct ou pas.

Le premier usage qui en a été fait portait principalement sur la monétisation des impressions disponibles après les ventes directes (« invendus »). C’était un premier pas mais on ne tirait pas tout le potentiel de ces outils et surtout de l’inventaire. Pourtant l’approche globale qui consiste à mettre en compétition les campagnes directes et les flux RTB n’est pas un phénomène nouveau. Dès 2011, certaines régies ont commencé à se servir de leurs SSP pour mettre à disposition l’ensemble de leurs inventaires. Lorsque la régie HiMedia a signé avec AppNexus, en 2011, elle a mis à disposition la totalité de ses inventaires, tous les formats et tous les flux de campagnes. Collective Media, aux Etats-Unis, a fait la même chose en 2012. Plusieurs régies ayant prix AppNexus comme SSP et ad server primaire ont eu la même démarche. À cette époque, AppNexus ne proposait pas encore sa solution « full-stack ».

La « révolution » serait-elle donc de mettre désormais plusieurs SSP en concurrence ?

Il est vrai que la nouveauté maintenant est de pouvoir mettre toutes les plateformes (SSP) en concurrence sur la même impression en oubliant les logiques de passback mais Il faut savoir que certains acheteurs de poids, comme Amazon et Criteo, utilisent cette technique depuis 2011/ 2012. Un script est placé directement au niveau des supports : dès qu’une impression est mise en vente, ils lui attribuent une valeur. Une connexion est faite avec l’adserver du partenaire (passage de paramètres), activant ou pas la diffusion d’une campagne spécifique. L’éditeur met donc en compétition ses campagnes et les flux de nos deux acheteurs. La nouveauté porte donc plutôt sur la mise en compétition de différentes SSP.

Quels est donc l’avantage du header bidding en sa version actuelle ?

Pour le vendeur, le fait de mettre tous les acheteurs sur un même pied d’égalité lui permet d’augmenter la concurrence, la densité d’enchères et donc le prix de vente. Il y a d’autres avantages comme la réduction de la perte d‘inventaires que pouvait générer les mécaniques de passback et une optimisation du temps de chargement des pages (à condition que ce soit bien fait !). Tous ces éléments entraînent une augmentation des revenus

Pour l’acheteur c’est un système beaucoup plus juste car il a accès à la même qualité d’impressions que les autres comparé à lorsqu’il était servi en passback. N’oublions pas que dans beaucoup de cas, ce qui détermine la valeur d’un inventaire, c’est sa qualité, sa performance attendue, celle-ci dépendant en partie du nombre de visiteurs uniques et de la fréquence/récence d’exposition des impressions. On sait d’ailleurs que les premières impressions ont tendance à être beaucoup plus efficaces. Pour beaucoup d’acheteurs elles sont le saint graal.

Au contraire, lorsque l’on retrouve les logiques du type passback [en cascade ou en chaîne], on adresse moins de visiteurs uniques sur des impressions qui ont des fréquences élevées, fournissant par conséquent un retour moins intéressant pour les acheteurs : un internaute exposé à la dixième ou quinzième publicité sera potentiellement moins « performant » qu’un internaute exposé à la troisième impression.

UnderwoodKeyboardY a-t-il des limites ?

Il y a des limites à tous les modèles. Dans le cas du header bidding, je ne suis pas certain que cette augmentation de revenu soit stable à long terme. Je pense que l’uplift est principalement la conséquence de la mise à disposition d’impressions de meilleure qualité et cela impactera à un moment les campagnes vendues en direct. Cette technique provoque également une certaine volatilité quant à la qualité des impressions, une plateforme SSP aura potentiellement accès à des impressions de qualité/performance différentes, n’étant plus la seule à travailler avec l’éditeur ou la source d’inventaire… et il y aura une rationalisation des prix.

Est-ce que cela veut dire qu’il vaut mieux privilégier d’utiliser une seule plateforme SSP ?

Le fait d’avoir plusieurs SSP proposant son inventaire n’est probablement pas la meilleure stratégie car on perd en visibilité autant pour le vendeur que pour l’acheteur. Il vaudrait mieux privilégier une seule plateforme SSP mais il faudrait idéalement que sa SSP soit aussi son ad server afin que l’outil donne à l’éditeur (et à l’acheteur) une vision parfaite de l’inventaire, de son prix et de sa qualité et puisse ainsi proposer une maximisation parfaite du stock d’impressions disponibles. D’un autre côté, il est naturel que l’éditeur cherche des solutions pour écouler ses invendus, en testant plusieurs prestataires et en les mettant en concurrence.

Est-ce facile à mettre le header bidding en place ?

Ce n’est pas complexe mais il faut tout de même des compétences spécifiques que tous les éditeurs n’ont pas nécessairement en interne. Il existe aujourd’hui de plus en plus de solutions opensource mais Il faut de « l’humain » pour faire les intégrations et piloter les différentes lignes de revenus qui seront générées. Il y a donc potentiellement une limite opérationnelle au header bidding : les intégrations étant sur mesure, l’éditeur sera peut-être obligé de limiter le nombre de partenaires pour que ce soit gérable. Il aura donc tendance à ne travailler qu’avec les acteurs les plus importants ou des SSP qui se chargeront d’agréger la demande comme aujourd’hui.

L’éditeur sort-il perdant au bout du compte avec le schéma actuel des ad exchanges ?

Je ne suis pas persuadé que ce soit la chaîne de valeur programmatique qui en soit la cause majeure mais peut-être la concurrence accrue à laquelle sont exposés les éditeurs aujourd’hui. Il est vrai que les intermédiaires se rémunèrent en prenant des commissions (SSP, DSP) mais elles sont la plupart du temps transparentes. Il y a toujours eu des intermédiaires et les éditeurs ont de plus en plus de contrôle (prix plancher, blacklist, deal ID). Si on regarde le prix auxquels les éditeurs vendaient leurs « invendus » avant et maintenant, je ne pense pas que les ECPM (des campagnes non directes) soit plus bas, bien au contraire.

Les difficultés rencontrées aujourd’hui sont certainement causées par une plus grande concurrence entre les éditeurs, les budgets sont dilués. Il y a cinq ans, seuls les éditeurs premium proposaient des volumes importants. Aujourd’hui, grâce aux ad exchanges, les acheteurs se voient proposer en France plus de 2 milliards d’impressions par jour sur desktop. L’éditeur premium français se retrouve en compétition avec des IP françaises sur de sites étrangers, avec de l’inventaire long tail sur Google, etc. … C’est le volume qui rend possible la baisse des prix, créer un phénomène de rareté permettrait un certain contrôle des prix.

Cette rareté peut passer par une meilleure attractivité / différenciation de l’inventaire. Aux éditeurs de trouver les bonnes armes pour faire face à cette concurrence et ils sont la plupart du temps sur la bonne voie. Les formats, les deals ID, l’exposition de visiteurs uniques avec des impressions de bonne qualité (visibilité, taux de clics, taux de transformation). Tout cela dans un contexte de chasse à la fraude comme certains acteurs ont commencé à le faire devrait permettre de reconcentrer les investissements sur les éditeurs de contenus que nous consommons tous les jours.

Au bout du compte peut-on trancher ? Que vaut-il mieux, le headder bidding ou la SSP unique ?

Je pense que cela dépend de la typologie d’éditeurs, mais le header bidding « à dose raisonnable » est un bon compromis. Aujourd’hui, un éditeur a tout intérêt à traiter directement avec ses acheteurs principaux (ex : Criteo, Amazon etc….) en s’affranchissant des commissions des SSP. Ensuite il pourrait mettre en concurrence des agrégateurs de flux comme AppNexus, Rubicon ou les autres SSP.

Quantum_multideviceQuantum Advertising finit 2015 avec un certain nombre de contrats et de développements significatifs. Pouvez-vous nous tracer votre bilan de l’année écoulée et vos attentes et priorités pour 2016 ?

2015 a été une bonne année durant laquelle nous avons pu valider notre modèle, dépasser nos objectifs et devenir rentables. En un an, nous avons créé le premier écosystème native programmatique en Europe, matérialisant la vision que nous avions en 2014. Nous travaillons avec la plupart des éditeurs en France et avons gagné la confiance des clients, avec plus de 200 annonceurs qui transitent par mois sur notre plateforme qui réunit l’inventaire de plus de 300 partenaires éditeurs et places de marché (entre 600 millions et un milliard d’impressions 100% visibles disponibles). En parallèle, nous avons commencé à déployer notre modèle à l’étranger en Europe (Allemagne, Pays Bas, Belgique, Italie, Espagne) et initié des partenariats sur d’autres continents (Amérique Latine, Moyen-Orient). Notre technologie est propriétaire et notre pari est celui d’une publicité responsable selon la maxime de servir moins mais servir mieux. Chez nous, les emplacements sont 100% visibles, les formats intégrés et non-intrusifs. Le taux de clic moyen obtenu sur nos campagnes est de 1%, soit entre 10 et 20 fois plus que celui procuré par un format standard.

En 2016, nous allons accélérer notre déploiement à l’international, continuer nos développements sur la plateforme en proposant de nouvelles options afin de conserver notre avance technologique. Nous avons également lancé une nouvelle offre intégrant distribution et production de contenus, en mettant à contribution nos partenaires éditeurs. L’idée étant de capitaliser sur leur expertise en leur proposant une nouvelle source de revenu.

 

Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre

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