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Infectious Media : les solutions à la fraude existent mais qui doit en assumer le coût ?

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Sylvain Deffay, d'Infectious Media.
Sylvain Deffay, d’Infectious Media.

En tant que trading desk, Infectious Media opère quotidiennement l’achat d’espaces publicitaires pour display et vidéo sur desktop et mobile pour le compte de ses clients annonceurs. Ils travaillent en RTB, et comme ils disent en RTA (real time advertising), où l’idée clé est celle d’adapter sans cesse le message à l’expérience de l’utilisateur. Ceci suppose une bonne connaissance de ses cibles et une relation de proximité avec les éditeurs également. Alors est-ce suffisant pour faire de la fraude un moindre problème ? La parole est donnée à Sylvain Deffay, directeur France d’Infectious Media.

Dans un contexte où des études et analyses rendent compte d’un véritable fléau de la fraude où des milliards seraient dépensés sur des impressions qui n’atteignent jamais leurs cibles ou qui ne sont jamais vues, sentez-vous concerné ou menacé par des fraudeurs ?

Il faut noter que la problématique de la visibilité d’une bannière est inhérente à la nature même du média et doit être distinguée de la fraude. Il est vrai que cette dernière a pris une place importante dans les médias spécialisés dernièrement et cela prouve qu’elle représente une vraie menace pour notre activité et notre industrie. Avec la montée du RTB et des places de marché, le peu d’expérience disponible chez certains traders média, la fraude est responsable d’un gaspillage conséquent des dépenses publicitaires. Si rien n’est fait pour contrer ces fraudeurs et si nous les laissons libres d’agir en toute impunité, ils ont le potentiel d’anéantir les bénéfices technologiques et économiques apportés par l’achat programmatique d’espace publicitaire.

Quels outils, méthodes, solutions utilisez-vous pour ne pas vous faire duper par des réseaux de fraudeurs ?

Nous travaillons avec un prestataire spécialiste de la protection des marques. Grâce à lui, nous sommes capables d’identifier et bloquer les inventaires affectés par la fraude au clic, les bots et formats publicitaires, comme certains iframes par exemple, non visibles par les internautes. Cet outil nous permet également d’identifier les inventaires dangereux ou qui ne conviennent pas à nos clients, tels que les sites pornographiques ou violents, en bloquant les impressions.

Est-ce d’ailleurs possible de ne pas se faire arnaquer dans ce métier ?

Pour ne pas subir les fraudes, nous avons une double approche : en investissant dans notre technologie afin de gagner en transparence sur le détail de l’impression offerte au moment de l’enchère, et en s’associant avec un partenaire de confiance, expert dans la détection de contenu frauduleux.

Quelle est votre analyse de l’ampleur véritable de ce phénomène ? Et à qui la faute d’après vous ?

Ce phénomène évolue et se réinvente constamment. Dernièrement, nous avons remarqué l’apparition de Deceptibots, une nouvelle génération de click-bots. Nous voyons également évoluer la fraude au nom de domaines via des barres d’outils malware et même parfois des formats publicitaires hors-pages via ce que l’on nomme le ad-stacking. Chaque fois qu’une technique de fraude est contrée par un processus humain ou informatique, une autre technique plus sophistiquée est développée.

Infectious_multiécranEst-ce un phénomène inhérent aux places de marché programmatiques ?

Il est important de noter que ce type de fraude existe depuis longtemps et ne date pas de l’arrivée des ad-exchanges. Dans les années 2000, il était très commun que des click-farms, sorte d’usines à clics, polluent les inventaires des ad-networks les plus populaires. Des éditeurs peu scrupuleux se sont servis de cette technologie très basique pour améliorer leurs CTRs et donc obtenir plus d’argent. Les algorithmes n’y voyaient que du feu, tout comme les responsables d’optimisation.

Si ce problème persiste depuis si longtemps, pourquoi n’a-t-il pas été éradiqué ? Si nous prenons l’exemple du spam, vous vous rappellerez qu’en 2004, Bill Gates a déclaré que ce problème serait résolu dans les deux années à venir, mais le spam existait déjà depuis plus de 15 ans ! La situation n’a fait qu’empirer au cours des années suivantes et ce n’est qu’en 2012 que ce problème a commencé à vraiment être maîtrisé. Depuis, nous ne remarquons plus vraiment le spam mais nous ne pouvons pas en conclure que ce problème a été véritablement résolu.

icone_infographieRTB_InfectiousLa fraude bancaire est un autre exemple intéressant à considérer. Chaque nouvelle mesure de sécurité – les puces ou codes, par exemple, ainsi que le « Verified by Visa » – n’a fait que pousser les fraudeurs à trouver de nouvelles méthodes pour les contourner en se servant de faux sites et de malwares. Ces techniques utilisées dans la fraude bancaire sont par la suite transposées au monde de la publicité en ligne où les gains sont comparables mais les risques beaucoup moins élevés. Il y a moins de chance de se faire poursuivre en justice et les amendes sont moindres.

Quel conseil donneriez-vous à un annonceur pour lutter contre la fraude ? Est-ce d’ailleurs une question qui inquiète vos clients d’ailleurs ?

Dans notre industrie, les annonceurs sont ceux qui, la plupart du temps, payent la facture en cas de fraude. Dans le cas où une fraude est avérée, ce qui est très rare, l’éditeur ou l’intermédiaire technologique peut être tenu responsable. Mais même dans le cas où un fraudeur est identifié, les éditeurs et les intermédiaires technologiques ont tendance à ne rembourser que les dépenses faites sur les activités frauduleuses et continuent leurs activités en changeant simplement le nom de l’entreprise comme a pu faire Sambreel l’année dernière.

Néanmoins, la transition des ad-networks vers les ad-exchanges a apporté de grands changements. Avec les ad-exchanges, ces activités illégales sont plus évidentes et faciles à repérer pour les annonceurs qui peuvent traiter les données d’impressions grâce à leur DSP. Pour ceux qui peuvent analyser encore plus d’informations sur leurs achats, il est encore plus facile de détecter une fraude en regardant le nombre de chaînes user-agent (ces identifiants qui indiquent la combinaison de navigateur web et système d’opération) ainsi que les clics venant des adresses IP qui ne correspondent pas à celles d’où provient une impression.

EspionL’ironie est que les ad-exchanges ont révélé une fraude qui existe depuis plusieurs années et en conséquence ont diminué la confiance portée au trading media. En continuant de faire payer les annonceurs pour la fraude, ce manque de confiance ne peut que se perpétuer et potentiellement ralentir la croissance des investissements. Alors que de nouvelles technologies sont développées pour lutter contre la fraude, la responsabilité doit être placée sur les entreprises qui vendent des services publicitaires dans le but de rendre cette problématique comparable à celle du spam.

Pensez-vous vraiment que la solution des listes noires sur les ad exchanges suffit à régler ce problème ?

Les listes noires ne sont pas une solution convenable et demandent d’être soutenues par des technologies de pointes adaptées aux dernières méthodes de fraude. Ce travail demande une vraie expertise, spécialiste dans ce domaine et qui soit en mesure d’évoluer avec le temps.

Si vous aviez le pouvoir de dicter de nouvelles règles du jeu aux ad exchanges en RTB, que feriez-vous pour réduire la fraude, notamment à priori (avant qu’une enchère ne soit lancée) ?

Si les ad-exchanges changeaient leurs réglementations afin d’accepter uniquement le trafic certifié et sécurisé SSL, nous pourrions éliminer une grande partie de la fraude en ligne. Dans ce cas, les fraudeurs seraient dans l’obligation de payer pour une certification SSL pour chacun des sites qu’ils veulent inclure dans un ad-exchange. Ceci serait, à mon avis, un barrage véritablement dissuadant qui limiterait les dégâts de la fraude dans notre secteur.

fraud_key_on_apple_keyboar_450Un autre important fléau atteignant les places de marché est le manque de visibilité réelle des impressions servies : si l’on compare les différents chiffres de 2014 avec ceux de 2013 non seulement la visibilité comme la qualité des impressions (en termes par exemple de brand safety) sont en baisse (voir par exemple les chiffres d’Integral Ad Science). Est-ce un souci inhérent aux places de marché ouvertes ou pas ? Pourquoi ?

La visibilité et la protection des marques sont des benchmarks essentiels dans le trading media et l’optimisation des campagnes. D’ailleurs, les annonceurs les plus avancés prennent déjà en compte ces facteurs pour améliorer leurs campagnes.

Fondamentalement, vendre un espace publicitaire sur un nouveau site est très simple et ne demande que de s’inscrire à un ad-exchange ou ad-network, de télécharger un tag et de le placer sur son site. Certains ad-exchanges et ad-networks – mais pas tous – vérifient les sites, leurs contenus et le placement des espaces publicitaires. En revanche, ils ne peuvent pas empêcher le propriétaire d’un site de changer le contenu une fois la vérification faite ou de simplement mettre le tag sur un site complètement différent.

640px-ClavierL’explosion de volumes de contenu généré par les utilisateurs (UGC) a exacerbé ce problème, car même les propriétaires de site les plus attentifs ne peuvent pas vérifier tous les contenus avant que ceux-ci ne soient diffusés au monde entier. Les sites comme Facebook, qui ont la capacité de surveiller les posts de ses utilisateurs, font face à la difficulté de trouver le juste milieu entre ce qui est « brand-safe » et la liberté d’expression.

Est-ce un problème insurmontable ? Pas du tout. Il existe de très bonnes technologies qui peuvent rapidement analyser le contenu d’une page et déterminer s’il est « brand-safe » ou si l’espace publicitaire est visible. En prenant le temps de bien comprendre les spécificités d’une marque, on peut se servir de ces solutions pour identifier les contenus nuisibles à une marque en se basant sur le contexte et ainsi bloquer une impression si besoin.

Ces technologies et prestataires existent et fournissent ces services. Pourquoi, dans ce cas, a-t-on encore le sentiment que trop peu est fait pour contrer ces fraudes ? La réponse est simple : le coût. Très souvent, et peut-être même à juste titre, les annonceurs considèrent la protection de leur marque et la visibilité des bannières comme étant la responsabilité des éditeurs et prestataires adtech. Les solutions ici décrites ainsi que le travail sur l’identité d’une marque représentent un coût supplémentaire et onéreux qui, au final, doit souvent être supporté par l’annonceur.

Propos recueillis par LUL

 

 

 

 

 

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